Hommage à un Agent de Haut Rang

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 Si J’avais à définir mon propre crédo, je dirais donc ceci :

 Je crois qu’il n’y a ni Dieu ni Diable au-delà des hommes, ni bien ni mal, ni vrai ni faux.
 Je cois que toute religion devient inhumaine, que toute morale tend à démoraliser l’homme, et qu’aucune vérité ne rendra jamais compte de l’acte même par lequel une conscience la récuse ou tente de s’y abolir.
 Je crois que nous avons à exister selon nous-mêmes, à donner sens à notre vie en la vivant, et qu’aucun d’entre nous n’est rien et ne possède rien, mais qu’ensemble nous pouvons tout.
 Je crois que l’hypocrisie est la mère de toutes les vertus déclarées, que la seule vertu réelle est exigence de liberté pour soi-même et pour autrui, et que l’absurde hantise du pêché corrompt les hommes jusqu’à la moelle.
 Je crois que nous naissons innocents, et que nous avons à nous rendre responsables, que nous ne pouvons jamais prévoir toutes les conséquences de nos actes, mais qu’il y a toujours, malgré tout, quelque chose à tenter, quelque entreprise commune à engager.
 Je crois qu’il n’y a qu’un seul monde, et pas de royaume du tout, que de ce monde même où chaque jour et en tout lieu s’affrontent des choix adverses, nul n’a pu jusqu’ici se prétendre le maître ; ni ceux qui ont naïvement recherché la puissance, ni ceux qui ont cru y parvenir par le détour d’une glorieuse faiblesse, et qu’enfin les uns comme les autres ne poursuivent qu’une chimère, car il ne s’agit pas de dominer son semblable, mais de se reconnaître en le reconnaissant.
 Je crois que la non-violence par amour est angélisme et vanité, qu’il y a plus de véritable amour dans l’affrontement que dans l’acceptation, dans la colère généreuse qui dresse les hommes contre l’injustice que dans la charité de la victime pardonnant au bourreau, et qu’il faut sans doute se sentir bien seul, bien peu solidaire, bien étranger à ses semblables pour en venir à se comporter vis à vis d’eux comme Dieu seul pourrait le faire s’il  était parmi nous sans être n’importe lequel d’entre nous.
 Je crois qu’il faut combattre l’injustice, et que cela peut aller jusqu’à lutter à mort contre ceux qui la commettent ou qui s’en rendent complices, à la condition, bien sûr, que ne s’arroge en aucun cas le droit de les juger, et moins encore celui de les absoudre.
 Je crois que l’amour aveugle est une imposture, qu’aimer son prochain tel qu’il soit, quoiqu’il fasse, c’est en réalité le mépriser deux fois : dans sa contingence et dans sa liberté.
 Je crois qu’il faut accueillir le bonheur lorsqu’il se présente, et jouir de cette vie qui nous est donnée, qu’il est absurde d’opposer les joies de l’esprit à celles du corps , car ni le corps ni l’esprit ne sauraient être joyeux séparément, et que l’une de nos sources de joie réside dans cette compréhension charnelle qu’est la sexualité pleinement assumée, dans cette amoureuse tendresse où le désir le plus vif et la plus réelle amitié se renforcent l’un l’autre indéfiniment.
 Je crois qu’il est bon de ne se défendre à priori de personne, et de s’ouvrir à tous, qu’une attitude de méfiance est toujours plus coûteuse en fin de compte que n’importe quel acte de foi concernant nos semblables, et que chacun de nous doit se faire à lui-même suffisamment confiance pour se sentir capables d’affronter, le cas échéant, les conséquences fâcheuses de ces actes de foi.
 Je crois qu’il ne faut pas avoir honte d’aimer cette vie, dès lors qu’on s’efforce, selon les moyens  dont on dispose, de la rendre telle que tous puissent l’aimer. 
 Je crois qu’il ne faut croire qu’en ce qu’on entreprend de réaliser.

 Francis Jeanson.

3 commentaries

  1. This is clean. You finally killed the kraken time bandit !

  2. […] « Je crois que nous naissons innocents, et que nous avons à nous rendre responsables, que nous ne pouvons jamais prévoir toutes les conséquences de nos actes, mais qu’il y a toujours, malgré tout, quelque chose à tenter, quelque entreprise commune à engager. » (FRANCIS JEANSON: Credo) […]

  3. Simplement merci de m’a (nous) avoir permis de (re)découvrir ce très éclairant, brillant et beau passage de ce film de Godard qu’il est peut-être juste temps de (ré)entendre.

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